Monday, March 5, 2012

Importance de la nutrition appropriée aux espèces et habitudes alimentaires des chevaux

par L.D.
Avant propos de Natalija Aleksandrova

Contrairement au système digestif des humains, celui du cheval est conçu par la nature pour recevoir de la nourriture en petites quantités presque à toute heure du jour et de la nuit. En enfermant les chevaux dans des boxes et en gérant leur nutrition de la même manière que celle des humains — très peu de repas par jours avec de longs temps d’attente entre ceux-ci — l’homme détruit l’organisme du cheval, faisant souffrir l’animal de douleurs causées par les désordres qu’il développe suite à ce type de gestion, tels que : ulcères gastriques, coliques, etc. Pour garder un cheval sain et heureux tout au long de sa vie, il faudrait lui fournir des conditions de vie appropriées, à savoir, des conditions aussi proches que celles d’un cheval en liberté. Cela signifie: accès libre à l’herbe ou/et au foin, possibilité de bouger sans restrictions 24 heures sur 24 (système de stabulations libres ouvertes sur un parc) et de pouvoir vivre avec des compagnons équins. Jetons maintenant un œil scientifique sur l’importance de respecter le comportement alimentaire chez le cheval.

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Cet article se concentre sur l’importance des habitudes alimentaires du cheval. Cependant, comme également mentionné dans les cinq libertés (Farm Animal Welfare Council, 2009 www.defra.gov.uk/fawc/aboutfive-freedoms/), qui constituent la base des droits des animaux et de la protection animale en Grande Bretagne, d’autres facteurs sont impératifs pour garantir le bien-être du cheval :

1. Liberté de pouvoir manger à sa faim, de pouvoir s’abreuver— en ayant libre accès à de l’eau propre et une alimentation permettant la vigueur et le maintien en pleine forme.
2. Liberté d’avoir du confort — en fournissant un environnement approprié comprenant abris et zones de repos confortables.
3. Liberté de ne pas subir de douleurs, de blessures et de maladies — par la prévention et un diagnostic et le traitement rapide et approprié.
4. Liberté de pouvoir exprimer le comportement normal de l’ espèce — en fournissant un espace suffisant, des aménagements appropriés et la compagnie d’autres animaux de la même espèce.
5. Liberté de vivre sans peur ni stress — à travers l’élimination des facteurs causant stress et souffrance mentale.

Il n’y a donc pas que la nourriture qui doit être appropriée, mais aussi la liberté d’exprimer un comportement normal pour l’espèce, tel que la vie en troupeau, mouvement, pansage mutuel et autres, qui sont de la plus haute importance et doivent être remplies afin de garantir le bien être des chevaux (et des autres animaux).

Du point de vue scientifique, les équidés sont des herbivores non ruminants. Ayant évolué pour manger presque constamment de petites quantités de fibres longues faiblement énergétiques. Les observations et les recherches que les chevaux qui étaient libres de choisir ce qu’ils mangeaient passaient approximativement 60% (~14 heures) par jour à se déplacer et à brouter (Gudmundsson and Dyrmundsson, 1994; McGreevy, 2004). Les chevaux se trouvant dans un environnement plus clairsemé moins riche passent approximativement 16-17 heures par jour à brouter et à se déplacer, ce qui peut même aller au-delà de 19 heures lors de saisons rudes (McGreevy, 2004). Toutefois le temps passé à s’alimenter dépends de plusieurs facteurs comme : les conditions climatiques, disponibilité de nourriture, du genre (mâle ou femelle), de la maturité et autres. (Gudmundsson and Dyrmundsson, 1994).


Ayant la possibilité de se déplacer librement et d’exprimer des comportements alimentaires propres à son espèce le cheval va approximativement consommer 2-2,5% de son corps en matière sèche au cours des 24 heures, sous forme de fourrage. (National Research Council (U.S.), 1987; Kiley-Worthington, 1987; Dowler, et al., 2009; Wright, 1999).

Le résultat de cette possibilité de ce déplacer librement et de passer la plupart du temps à brouter donne approximativement 57.0000 mouvements de mastication (Cuddeford, 1999) pour le fourrage constitué de fibres longues (et environ 40.000 pour un fourrage contenant différents types de fibres, ce qui constitue dans cette recherche le chiffre retenu) (Frape, 2004). De telles données sont souvent remises en question et critiquées parce que provenant de recherches et d’observations de chevaux sauvages ou semi sauvages,toutefois la constitution génétique de l’intestin, lié aux instincts de comportement du cheval et à la physiologie de la digestion sont restés relativement inchangés au cours des 6000 dernières années de domestication et d’élevage (Koene and Gremmen, 2002; Dierendonck, 2006), ce qui relie alors directement l’apparition de problèmes de santé et de comportement à une nutrition désadaptée.

Chez un cheval domestique à qui il est donné la possibilité d’avoir un comportement instinctif normal, le meme résultat que chez le cheval sauvage apparaîtra (Kiley-Worthington, 1987). Toutefois, de nos jours la plupart des chevaux domestiques ne sont en mesure d’exprimer que partiellement ce comportement alimentaire normal, du fait de l’intervention et de la gestion par l’homme. Par exemple les concentrés sous forme de bouchons, de muesli ou d’avoine sont donnés en repas limités avec du foin pré coupé en quantités limitées ou à volonté. Ce changement d’aliments entraîne également un changement de comportement alimentaire en terme de temps d’ingestion, de mouvements de mastication et, très important, de production de salive.




Un cheval libre de brouter une pâture idéalement poussée tout au long d’une journée va consommer approximativement 2Kg de matière sèche contenue dans l’herbe pour 100Kg de poids vif par jour (cheval de 600Kg). Lorsque la capacité de brouter est limitée le cheval va consommer approximativement 0,8Kg de matière sèche en une heure. Le cheval auquel on donne du foin en quantités limitées à certaines heures de la journée va passer environ 40 minutes par 1Kg de foin, soit environ 1,2Kg de matière sèche par heure (Ellis, 2004). Lorsque le foin est donné à volonté, le cheval va passer plus longtemps à manger 1Kg de foin, ayant un accès continu et pouvant manger quand il veut ou, en a besoin. Il est donc plus sain pour le cheval d’avoir du foin à volonté que d’avoir différents repas au long de la journée. Toutefois, le temps consacré à manger et la matière sèche ingérée dépendent du contenu en fibres longues du fourrage. La durée d’ingestion pour 1Kg de concentrés est totalement différente, puisque le cheval ne passe qu’à peu près 10 minutes pour manger 1kg (Ellis, 2004). Ceci sous entend que le cheval a ingéré une quantité énergétique importante en très peu de temps. Ce qui cause deux conditions non naturelles : premièrement, le système digestif n’a pas évolué pour cela, et deuxièmement : le cheval passe moins de temps à manger et fait moins de mouvements de mastication. Cela peut entraîner un risque de comportements et de stéréotypies indésirables ainsi que des problèmes de santé (Davidson and Harris, 2000) et peut alors influencer les performances du cheval à court et à long terme.

Les dents du cheval ont évolué pour supporter des conditions de vie rudes et doivent, de ce fait, être exposées à ces conditions pour conserver une taille normale (Baker and Easley, 1951). Il a été observé que le changement d’angle des incisives, particulièrement chez le cheval domestique, n’arrive pas dans de telles proportions chez le cheval semi sauvage ou sauvage. Cela signifie que cette forme se retrouve majoritairement chez les chevaux domestiques. De tels alignements non naturels peuvent avoir de graves conséquences sur la digestion et sur tout le corps du cheval. Comme l’articulation temporo-mandibulaire sort de son alignement naturel et que cela exerce un rôle crucial et altère la biomécanique de l’ensemble du corps. En dehors de cela, le changement d’angle des incisives signifie que le contact des molaires se fait de moins en moins bien forçant le cheval à presser les mâchoires pour arriver à broyer les aliments correctement. (LaFlure, 2001). Les raisons de cette position anormales sont premièrement : que le cheval est nourri avec du fourrage trop léger en fibres. Deuxièmement : qu’il n’a plus besoin de mordre correctement (réduisant l’usage des incisives), parce que le fourrage est pré coupé. Et, troisièmement : le cheval a un trop gros apport en énergie dans les concentrés, pour lesquels les mouvements de mastication sont quatre fois moindres que pour le foin (approximativement 3000 mouvements de mastication pour 1kg de foin contre 750 pour 1kg de concentrés) (Frape, 1998).



Comme la production de salive est liée à la mastication (Alexander and Hickson, 1970) des conclusions peuvent et doivent en être tirées. En mangeant en un minimum de 14 heures par jour une quantité de matière sèche correspondent à peu près à 2-2.5% du poids vif, le cheval produit approximativement 4,5 litres de salive par Kilogramme de matière sèche de fourrage, faisant au total 40-60 litres de salive par jour (Harris, 1999; McGreevy, 2004).
La production de salive en quantité suffisante est cruciale pour compenser le chargement de l’estomac en acidité. La salive, avec sa grande quantité de bicarbonates, a un PH basique, ce qui permet d’équilibrer le PH acide dans l’estomac. (Picavet, 2002). Si la production de salive est insuffisante au cours de la journée, les effets basiques des bicarbonates sont diminués; le risque d’acidités gastriques augmente faisant considérablement croître le risque d’ulcère gastriques. (Pagan, 1997). Il a été observe que l’apparition des ulcères se produit plus fréquemment dans la région supérieure de l’estomac du cheval, puisque cette partie de l’estomac ne contient pas de paroi muqueuse et ne produit jamais de bicarbonate basique pour neutraliser l’acidité. La seule protection que possède cette partie de l’estomac contre l’acidité gastrique est le bicarbonate provenant de la salive en quantité suffisante et la capacité naturelle à ingérer du fourrage (Pagan, 2008). L’exposition à un niveau d’acidité plus élevé durant plus de trois ou quatre heures décroît dramatiquement la résistance des tissus, et les symptômes apparaissent après dix à douze heures. (Steward, 2003). Des études montrent qu’environ 60% des chevaux de sport et 37% des chevaux de loisir présentent des ulcères. (Picavet, 2002). Le plus grand taux d’ulcères se trouve chez les chevaux de courses. Plus de 90% des chevaux de courses, toutes catégories confondues souffrent d’ulcères à des degrés variés (Pagan, 2008). Il a été indiqué que les chevaux ne se restreignaient pas volontairement pendant plus de quatre heures (Krazak, et al., 1991) puisque le niveau d’acidités augmentait dans l’estomac ensuite ; causant inconfort et déclanchant le désir de mâcher et de brouter, ce qui produit effectivement le chargement de la région acide de l’estomac en bicarbonates basique.

Le cheval ayant évolué en tant qu’herbivore nomade implique également que l’appareil digestif est en mouvement presque constant, ce qui est nécessaire pour maintenir la flore intestinale active et saine. La présence de bactéries bénéfiques empêche le développement d’autres bactéries, potentiellement pathologiques (Pagan, 2008). Si le fonctionnement quasi permanent de l’appareil digestif n’est pas assuré, le risque de coliques (douleurs de l’estomac) augmente considérablement. Pour assurer ce fonctionnement quasi continu, le cheval en box et restreint en fourrage va s’occuper en mangeant la paille de sa litière ; parce qu’il manque de fibres, de production de salive et aussi pour s’occuper. Manger la paille de la litière est certainement bénéfique pour la mastication, la production de salive et l’occupation ce qui contribue à réduire le risque d’ulcères; mais la paille ne doit pas constituer la majeur partie u fourrage (n’ayant pratiquement pas de valeur nutritive et contenant une plus grande proportion de lignine, moins digeste.) De plus, et c’est important, la consommation excessive de paille de blé a été reconnue comme source de développement de coliques (Thorne, et al., 2005; Cohen, et al., 1999).

Appliquer un régime trop peu nutritif, ne pas garantir les besoins naturels que sont l’ingestion presque constante d’aliments, la mastication, la production de salive, l’appareil digestif en fonctionnement permanent, peut avoir des conséquences graves sur la santé physique et mentale. Le développement de coliques, d’ulcères, mais également de comportements anormaux, tels que le réflexe de mordre, (Kiley- Worthington, 1987; McGreevy, et al., 1995) peuvent en résulter ayant une influence directe sur la sécurité du cheval, son bien-être et ainsi sur les cinq libertés (Waran, 2007).